mardi 4 juin 2013

Départs volontaires - Fonctionnement


Finie l'époque des plans sociaux, désormais les dirigeants privilégient les plans de départs volontaires. Avec la récession cette forme de plan de réduction des effectifs se multiplie. Moins agressif qu'un licenciement économique, il nécessite cependant une expertise juridique sans faille pour éviter les " hauts-fonds " du droit social et peut être dangereux pour ceux qui omettent d'assurer la pérennité des compétences. Retour sur la jurisprudence de la Chambre Sociale de la Cour de Cassation qui encadre depuis 20 ans les plans de départs volontaires.

Par Sylvain Niel, Avocat conseil en droit du travail

Qu'est-ce qu'un plan de départs volontaires ?
Pour le personnel le choix de partir, c'est d'abord celui d'être licencié à la place d'un autre salarié désigné par les critères fixant l'ordre des licenciements. En d'autres termes le volontariat c'est choisir entre quitter l'entreprise ou rester et non entre le licenciement sec et la rupture amiable.
La rupture amiable au lieu du licenciement
La rupture amiable est la forme la plus courante du départ volontaire. C'est ainsi la matérialisation du choix opéré par le salarié qui souhaite quitter à l'amiable son entreprise. Le contrat de travail prend fin sans que l'employeur n'ait à notifier un licenciement pour motif économique (Cass. soc., 2 févr. 2005, no 02-41.862 et no 02-44.443).
Cette rupture obéit à ses propres règles et échappe donc à celles du licenciement économique, du moins en ce qui concerne les droits individuels du salarié. Les règles relatives à l'entretien préalable et à la notification du licenciement n'ont donc pas à être respectées.
Toutefois l'indemnité de rupture, elle est soit celle qui est prévue au PSE, soit celle qui est négociée, sachant que la rupture amiable doit préserver les droits du salarié en garantissant un montant au moins égal à l'indemnité de licenciement . De même le salarié ayant accepté un départ volontaire négocié avec son employeur dans le cadre d'un accord collectif bénéficie de la priorité de réembauchage. En effet la priorité de réembauchage s'applique lorsque le contrat de travail est rompu pour un motif économique (Cass. Soc. 13 septembre 2005).
La circonstance que l'employeur ait pris l'initiative de la rupture en proposant des mesures incitatives pour favoriser le départ du personnel est par ailleurs sans incidence sur la volonté commune des parties de mettre fin au contrat de travail. La rupture du contrat de travail n'est pas pour autant imputable à l'entreprise, même si elle en prend l'initiative, dans la mesure où l'alternative laissée au salarié n'est pas de quitter l'entreprise ou d'être licencié, mais de rester ou de partir.

Le volontaire a-t-il droit au chômage ?
L'Unedic a précisé que " toutes périodes de chômage consécutives à des ruptures de contrat de travail qui, quelle que soit leur nature (rupture négociée, démission...), relèvent de l'article L. 321-1, ouvrent droit aux allocations. Il n'appartient pas au régime d'assurance chômage de rechercher si une rupture de contrat, quelle que soit sa nature (rupture négociée notamment), est soumise à l'ensemble des procédures de licenciement pour motif économique prévues par le Chapitre 1 du Titre 2 du Livre III du Code du travail. L'ASSEDIC doit simplement se référer à la déclaration de l'employeur sur l'attestation destinée à l'ASSEDIC. Ainsi, dès lors que l'employeur a rempli la rubrique 25 de l'attestation d'employeur ("autre rupture du contrat de travail pour motif économique"), le salarié est en situation de chômage involontaire " ) (Circ. UNEDIC no 04-09, 14 avr. 2004).
L'article 1 de la convention d'assurance chômage du 19 février 2009 précise qu'elle bénéficie aux salariés dont la cessation du contrat de travail résulte d'une rupture de contrat de travail résultant d'une cause économique.
Dans la mesure où la rupture du contrat de travail intervient pour un motif économique, le salarié est considéré comme involontairement privé d'emploi et bénéficie de l'assurance chômage. Dès lors que l'employeur a rempli la rubrique 25 de l'attestation d'employeur ("autre rupture du contrat de travail pour motif économique"), le salarié est en situation de chômage involontaire et bénéficie de l'assurance chômage.

La rupture amiable est-elle contestable ?
La rupture amiable est dotée d'une force obligatoire importante, comme le précise l'article 1134 du Code civil, aux termes duquel " les conventions tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ". Le salarié qui signe un accord amiable dans le cadre d'un départ volontaire ne peut par la suite contester la régularité et la légitimité de la rupture de son contrat de travail (Cass. soc., 3 mars 1993, no 91-45.276). Il ne lui est pas plus possible de demander la requalification de cette rupture en licenciement économique (Cass. soc., 7 déc. 2004, no 02-44.248).
Il peut toutefois intenter une action en nullité de la convention de rupture amiable dans le délai de cinq ans prévu par l'article 1304 du Code civil (Cass. soc., 23 févr. 2005, no 02-47.010). Une action à l'issue improbable pour le salarié, car celui-ci doit établir que son consentement a été acquis alors qu'il y a eu dol, erreur ou violence. Un action qui doit être engagée dans les cinq ans de la rupture, faute de quoi le salarié ne peut plus la contester (article 1304 du code civil et Cass. Soc. 28 janvier 2004 n°01-47.335)
Par ailleurs, dans bien des cas, le plan de départ volontaire s'appuie sur un accord collectif. Le juge semble y trouver une source normative qui inspire son respect. De plus les actions judiciaires visant à contester un plan de départ volontaire, négocié dans le cadre de tels accords, doivent être formées, à peine d'irrecevabilité, avant l'expiration d'un délai de douze mois à compter de la date de leur dépôt légal.

Comment négocier un plan de départs ?
Les départs volontaires tendent à réduire en douceur les effectifs sans pour autant constituer une alternative qui permettrait d'échapper à la procédure légale de consultation des représentants du personnel au titre des licenciements économiques. En effet, si l'employeur n'est pas tenu d'appliquer aux salariés concernés les garanties individuelles des licenciements économiques, il doit néanmoins respecter les dispositions à caractère collectif.
Il doit en conséquence informer et consulter le comité d'entreprise sur son projet de restructuration, sur le plan de départs qu'il prévoit et sur les suppressions d'emploi envisagées (nature des emplois et nombre des salariés concernés, calendrier prévisionnel des départs). Doivent également être respectées les garanties procédurales mentionnées par la convention collective en cas de licenciement pour motif économique. Le motif économique doit aussi être expliqué aux représentants du personnel, dont l'avis sera sollicité.

Les indemnités de rupture amiable sont-elles exonérées ?
Si, en principe, la rupture amiable n'ouvre pas droit au versement des indemnités prévues dans le cadre d'un licenciement, l'employeur peut décider de verser aux salariés concernés une indemnité de départ. Dès lors qu'elle est versée à l'occasion d'un plan de sauvegarde (ou PSE), la somme attribuée aux volontaires est intégralement exonérée de cotisations sociales et d'impôt.
En ce qui concerne la CSG et CRDS, l'exonération des indemnités de rupture versées dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi est limitée au montant légal ou conventionnel des indemnités de licenciement et de mise à la retraite (Lettre-circ. ACOSS no 2001-022, 25 janv. 2001).
Le plan de départs volontaires, par sa souplesse de fonctionnement et sa sécurité juridique, présente bien des avantages par rapport à un licenciement économique classique.

Quelles mesures d'accompagnement pour les volontaires ?
Dans l'hypothèse où au moins dix ruptures de contrats de travail sont envisagées, l'employeur a l'obligation d'établir un plan de sauvegarde de l'emploi (ou PSE). Parmi les mesures à prévoir dans le cadre d'un PSE il en est une qui fait débat, c'est le reclassement interne au sein du groupe pour éviter les licenciements.
La Cour d'appel de Versailles dans un arrêt remarqué décide, au moyen d'une lecture littérale du texte de loi et par l'analyse de sa portée, que " si la décision de quitter l'entreprise est librement prise, il ne peut être fait grief à l'employeur de ne pas proposer des mesures de reclassement interne qui ne sont exigées qu'au bénéfice des salariés dont le licenciement ne peut être évité ". Et la Cour versaillaise d'ajouter qu'en " présence d'un engagement de l'employeur s'interdisant de recourir à des mesures de licenciement pour parvenir à son objectif de réduction des effectifs, les salariés qui ne souhaitent pas quitter l'entreprise demeureront dans leur emploi et à leur poste de travail, ce qui exclut, par définition, toute nécessité de rechercher un reclassement " (CA Versailles, 1er avril 2009, n° 09/01005CA & Lyon, 16 févr. 2006, no 04-07.885, JSL 2006, no 186).
Par contre, il ne semble pas non plus possible de les priver des aides au reclassement externe comme l'accès à une antenne emploi, les aides à la mobilité géographiques ou les incitations à l'embauche, et cela sous le prétexte qu'ils ont choisi de quitter volontairement l'entreprise. Dans le cadre d'un plan de départs volontaires, l'employeur est en effet tenu de soumettre aux représentants du personnel un plan de sauvegarde contenant des mesures claires et précises tendant au reclassement des salariés dont le poste est supprimé (TGI Paris, 22 nov. 1994, 1re ch., comité central d'entreprise de la Générale de grandes sources et autre c/ Sté générale de grandes sources).
Ces mesures peuvent aussi favoriser les réorientations externes consistant notamment dans l'octroi aux salariés qui désirent créer ou reprendre une entreprise, d'une indemnité de départ et de prêt à taux préférentiels sous condition de la validation de leur projet par l'antenne emploi (Cass. soc., 26 oct. 2004, no 02-40.959). Ainsi la Cour de cassation estime que l'employeur est tenu de proposer au salarié quittant volontairement l'entreprise à l'occasion de difficultés économiques d'adhérer au dispositif du pré-pare, remplacé aujourd'hui par la convention de reclassement personnalisé (CRP). A ces yeux la résiliation amiable du contrat de travail ne dispense pas l'employeur de cette obligation, dès lors que la résiliation intervient " en raison de circonstances caractérisant un motif économique " (Cass. soc., 16 décembre 2008). Il ne s'agit donc pas de chèque valise, l'entreprise devant accompagner le volontaire au moyen d'une assistance au reclassement externe ou d'aides réelles pour l'escorter dans son projet.
Mais à n'en pas douter c'est le montant de l'indemnité versée aux volontaires qui fait l'objet de toutes les attentions. Trop élevée et c'est l'hémorragie des compétences. Trop faible et l'objectif en nombre de candidats est inférieur aux suppressions de poste envisagées. Dans l'absolu il faut obtenir le nombre de volontaires correspondant au sureffectif.

Quel est le contenu du plan de départs volontaires ?
Le plan de départs volontaires, ou l'accord collectif qui lui sert de support, doit préciser la procédure applicable aux candidatures :
- les conditions à remplir (ancienneté et appartenance à une catégorie professionnelle) ;
- le ou les service ou sites concernés par le projet de suppressions d'emploi. C'est une embûche de taille sur laquelle tombent les dirigeants. Un champ trop large tend à faire partir les " hommes clés " de l'entreprise et les " hauts potentiels " alors qu'ils sont indispensables au redéploiement de ses forces. La définition du périmètre du plan de départs volontaires est vitale. Inutile d'ouvrir le plan aux fonctions stratégiques ou aux postes où l'expertise de l'homme l'emporte sur celle de l'organisation ;
- la forme que doit revêtir la demande (courriel, écrit contre décharge ou lettre RAR) ;
- le destinataire de la demande de départ ;
- le délai de dépôt des candidatures ;
- le délai d'examen des demandes par l'employeur ;
- la suite donnée à ces demandes et celles pour lesquelles. Dans toute la mesure du possible le refus doit être justifié par un élément objectif défini dans le cadre du plan.
Ainsi dans ce cadre précis, ne peut être contestée la décision de l'employeur qui fait connaître au salarié, dans le délai prévu, que sa demande ne peut être accueillie (Cass. soc., 3 juin 1997, no 94-42.628). Assez curieusement le contentieux lié au plan de départ met en évidence les conflits nés du refus de l'employeur d'accepter une demande de départ.
Le juge sanctionne lourdement l'employeur qui laisse croire à un salarié que les financements nécessaires à la réalisation de son projet professionnel lui sont accordés, alors que quelque temps après elle lui notifie un refus, fondé sur des motifs qui ne sont pas établis (Cass. soc., 30 nov. 2004, no 02-45.106).
Par précaution il vaut mieux privilégier des éléments de réponse mettant en avant le caractère objectif du refus, tel que par exemple : une demande tardive, l'appartenance à une catégorie professionnelle non visée par le plan ou encore la forme incorrecte de la demande. Plus délicate est la question du refus de l'employeur justifié par la volonté de préserver les meilleurs compétences pour redresser son entreprise.
Le refus d'accepter un départ exclusivement motivé par " les besoins ou impératifs liés à l'organisation de l'entreprise ou sa pérennité " semble constable si il ne figure pas d'emblée sur le plan. Ainsi le juge estime que le refus est injustifié et l'employeur doit verser l'indemnité de départ si son refus d'accepter la demande du salarié ne repose pas sur un élément objectif répondant aux prévisions du plan ( Cass.soc.11 octobre 2005 ).

Comment rédiger la rupture amiable ?
La rupture prévue dans le cadre d'un plan de départs volontaires n'est pas un licenciement, mais une résiliation amiable du contrat de travail.
L'acte constatant la rupture d'un commun accord est écrit. Il doit surtout pas mentionner le motif économique. Fondé sur la seule volonté d'une séparation amiable l'acte de rupture ne donne pas lieu à l'énonciation du motif de celle-ci (Cass.soc. 2 décembre 2003, n°01-46.540). Toutefois le préambule doit exposer, sans équivoque, la résiliation amiable du contrat de travail.
Une rédaction maladroite peut conduire à la requalification en licenciement et contraindre l'employeur à verser les indemnités qui en sont issues.
C'est pour cette raison que la convention doit prévoir :
- un intitulé, le document titrant "rupture amiable". Attention, il ne s'agit pas d'une transaction dans la mesure où il n'existe aucun litige sur la rupture du contrat de travail. Salarié et employeur organisent d'un commun accord les modalités de la cessation de leurs relations de travail sans transiger.
- l'identité complète des parties avec la date du contrat de travail et le dernier emploi occupé par le salarié volontaire.
- le cadre dans lequel s'inscrit la rupture (procédure de licenciement collectif, consultation du comité, accord collectif, plan de sauvegarde).
- la procédure mise en oeuvre (dates de la demande écrite du collaborateur, de la réponse de la direction et de l'acceptation de celle-ci).
- la date précise à laquelle le contrat prend fin. Si la rupture n'est pas immédiate, il est conseillé d'évoquer un " départ différé " plutôt que les termes " préavis " ou " délai congé " impropres car destinés au procédure de licenciement.
- les sommes qui sont versées et dans quel cadre et à quelles dates elles seront réglées au salarié.
- le constat d'une rupture d'un commun accord en vertu de l'article 1134 du Code civil. La mention de cet article du Code n'est pas impérative, mais plutôt conseillée.
- le sort de certaines dispositions contractuelles (par exemple : la levée d'une clause de non- concurrence ou le maintien d'une obligation de confidentialité).

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